Algèbre linéaire
Elément de cours des exercices
 

Famille libre, famille liée

Ici, nous considérons que 𝕂  est le corps ℚ  , ℝ  ou ℂ  . On appelle scalaire tout élément de 𝕂  .

Définition
Une famille de vecteurs {⃗v ,j ∈ J}
j (où J est un ensemble quelconque) d’un 𝕂  -espace vectoriel E  est dite liée si il existe un entier m  ≥ 1  , des indices j1,...,jm  ∈ J et des scalaires λ1,...,λm  tels que  :

λ1⃗vj1 + ...+ λm ⃗vjm = 0E.

La famille { ⃗vj,j ∈ J } est dite libre si elle n’est pas liée.

Ainsi, pour déterminer si une famille finie {⃗v1,...,⃗vn } d’un 𝕂  -espace vectoriel E  est libre ou liée, il suffit de déterminer l’ensemble des (λ1,...,λn) ∈ 𝕂n   solutions de  :

λ1 ⃗v1 + ...+ λn⃗vn = ⃗0.

La famille {⃗v1,...,⃗vn} sera libre si la seule solution est (0,...,0)  . Elle sera liée sinon.

Cas où       m
E = 𝕂

Toute famille infinie d’éléments de 𝕂m  est nécessairement liée.

Soit {⃗v1,...,⃗vn} une famille finie de E =  𝕂m  . Voici deux méthodes permettant de déterminer si cette famille est libre ou liée et permettant de plus, si elle est liée, de déterminer les relations linéaires sur ses vecteurs  :

Cas où E  est de dimension finie

De même que dans le cas précédent, toute famille infinie d’éléments de E  est nécessairement liée.

Soit E  est un espace vectoriel de dimension finie m  sur 𝕂  .

Soit {⃗v1,...,⃗vn} une famille finie de E  .

Alors, on considère une base B = (⃗e1,...,⃗em)  de E  . En utilisant l’écriture des vecteurs dans la base B (voir l’élément de cours sur les bases) on se ramène au cas où E =  𝕂m  de la manière suivante  :

Pour tout i = 1,...,n  , il existe un unique         (1)     (m)     m
wi =  (vi ,...,vi  ) ∈ 𝕂  tel que      ∑
⃗vi =   mj=1 v(ji)ej  . De plus, si λ1,...,λn  sont des scalaires, l’égalité

λ1⃗v1 + ...+ λn ⃗vn = ⃗0E   dans E

équivaut à l’égalité  :

λ1w1  + ...+ λnwn  =  0𝕂m  dans 𝕂m.

En particulier, la famille de vecteurs {⃗v ,...,⃗v }
1     n est libre dans E  si et seulement si la famille {w⃗1, ..., ⃗wn} est libre dans  m
𝕂  .

On se ramène ainsi au cas où       m
E = 𝕂  .

Cas plus compliqués  : en dimension infinie

Un exemple classique de 𝕂  -espace vectoriel de dimension infinie est l’ensemble des applications définies sur un même ensemble à valeurs dans 𝕂  . L’espace vectoriel des suites d’éléments de 𝕂  en est un cas particulier.

Soit G  un ensemble quelqonque. Rappelons que l’ensemble   G
𝕂  des applications de G  dans 𝕂  est muni de manière naturelle d’une structure de 𝕂  -espace vectoriel. Voir l’élément de cours sur les espaces de fonctions.

Soit une famille finie { ⃗v ,...,⃗v  }
1     n de 𝕂G  . Alors, les ⃗v
i  sont des applications de G  dans 𝕂  .

Soient des scalaires λ1, ...,λn  . Dire que λ1⃗v1 + ...+ λn⃗vn = ⃗0  signifie que  :

∀x ∈ G,  λ1⃗v1(x ) + ...+ λn⃗vn(x) = 0.

De même pour les espaces de suites dans 𝕂  (on rappelle qu’une suite d’éléments de 𝕂  est une application de ℕ  dans 𝕂  ).

 

Résolution d’un système d’équations linéaires

Déterminer l’ensemble des                n
(λ1,...,λn) ∈ 𝕂  solutions de  :

λ ⃗v +  ...+ λ  ⃗v  = ⃗0
1 1         n n

revient à résoudre le système d’équations linéaires à m  équations et d’inconnues λ1,...,λn  suivant  :

(   (1)                 (1)
|||  v1(2)λ1  +   ... +   v n(2)λn  =   0
||{  v1  λ1  +   ... +   v n λn  =   0
..                              ,
||   (m.)                (m)
|||(  v1  λ1  +   ... +   vn  λn  =   0

en notant, pour tout i = 1,...,n  ,        (1)     (m)
⃗vi = (vi ,...,vi  )  .

Voir le rappel de cours sur les systèmes déquations linéaires pour en savoir plus sur de tels systèmes. La méthode de résolution de ces systèmes par le pivot de Gauss est décrite dans l’élément de cours système d’équations linéaires ainsi qu’à la rubrique méthode et techniques Échelonner un système linéaire par la méthode de Gauss .

 

Échelonnement de la famille de vecteurs

L’idée est d’utiliser la méthode du pivot de Gauss sur les vecteurs de manière à se ramener à une famille échelonnée de vecteurs. Ce paragraphe comporte quatre points  :


 

Opérations autorisées

Les opérations suivantes sur les familles de vecteurs n’ont pas d’incidence sur le caractère libre ou lié de la famille  :

Ces opérations ont de plus la vertu de ne pas modifier le sous-espace vectoriel de 𝕂m  engendré par la famille de vecteurs.


 

Familles échelonnées de vecteurs

Une famille de vecteurs {⃗v1,...,⃗vn} de 𝕂m  avec, pour tout i = 1,...,n    :

     (    (1) )
v j
⃗vj = |(    ...  |)
(m)
vj

est dite échelonnée si il existe une suite strictement croissante d’entiers naturels 1 ≤ n  <  n  < ...<  n
1    2         m  telle que  :

∀j = 1,...,n,  v(nj) ⁄= 0
j

et

                               (i)
∀j = 1,...,n,∀i =  1,...,nj - 1 vj  = 0.

Par exemple, la famille de vecteurs suivante du ℝ  -espace vectoriel ℝ3   est échelonnée  :

( (      ) (    )  (    ) )
√1--     0      0
( (    2 ) (  2 )  ( 0  ) )
3       0      3

avec n  = 1
1  , n  =  2
2  et n  =  3
3  .

La famille de vecteurs suivante du ℂ  -espace vectoriel   4
ℂ   est échelonnée  :

( (         ) (           ) (    ) )
0           0          0
| |     1   | |     0     | |  0 | |
|( |(         |) |(           |) |(    |) |)
2i           0          0
1 + 3i      2(1 + i)      0

avec n1 = 2  , n2 =  4  et n3 =  5  .

Il est facile de voir qu’une famille échelonnée de vecteurs de 𝕂m  est libre si et seulement si elle ne contient pas de vecteurs nuls. Ainsi la famille de   3
ℝ   donnée en exemple est libre et celle de ℂ4   donnée en exemple est liée.

 

Échelonnement d’une famille de vecteurs par la méthode du pivot de Gauss  : théorie

La méthode que nous décrivons permet de se ramener à une famille échelonnée de vecteurs en, au plus, n  étapes (où n  est le nombre de vecteurs de la famille initiale). À l’issue de l’étape k  , la famille de vecteurs obtenue a la forme (Hk )  suivante  :

( (       ) (        )    (       )  (    0    )    (     0    ) )
|     0          0            0      |    .    |    |     .    | |
| |    ..  | |    ..   |    |    ..  |  |    ..    |    |     ..    | |
|| ||    .  || ||    .   ||    ||    .  ||  ||    0    ||    ||     0    || ||
|| ||   0   || ||    0   ||    ||   0   ||  ||    0    ||    ||     0    || ||
| |  v(n11) | |  v(2n2) | ...|  v(knk) |  |   (nk+1) | ...|   (nk+1) | | ,
|| ||    ..  || ||    ..   ||    ||    ..  ||  ||  vk+1    ||    ||  vn      || ||
|( (    .  ) (    .   )    (    .  )  |(    ...    |)    |(     ...    |) |)
v(1m)      v (m2 )         v(km)         (m )             (m )
vk+1           v n

avec 1 ≤ n1 < n2 <  ...<  nk  et  (n1)
v1   ⁄= 0  ,...,   (nk)
v k   ⁄= 0  .

Décrivons l’étape k  de la méthode  :

Étant donné une famille de la forme Hk -1   , nous allons la modifier de sorte à obtenir une famille de la forme Hk  en n’utilisant que des opérations autorisées.

Nous noterons ⃗v
j  le j`eme  vecteur de la famille.


 

Illustration de la méthode sur deux exemples

 

Un exemple où la famille est libre

On considère les trois vecteurs suivants de ℂ4     :

      (    )         (    )          (    )
1              2               3
⃗v := ||  2 ||  , ⃗v := ||  4 ||  et ⃗v := ||  6 ||  .
1   (  3 )    2    (  6 )      3   (  i )
4              6               4

On souhaite savoir si la famille (⃗v1,⃗v2,⃗v3)  de   4
ℂ   est libre ou liée et, si elle est liée, déterminer les relations linéaires existant entre les trois vecteurs.

Les familles de vecteurs suivantes sont libres ou liées simultanément  :

(                             )
( ⃗v1 )   (  ⃗v2)   (  ⃗v3)
||     1        2        3     ||
|  |  2 |   |  4 |   |  6 |   |
|(  |(  3 |)   |(  6 |)   |(  i |)   |)
4        6        4

(     ⃗v1     ⃗v′:= ⃗v  - 2⃗v   ⃗v′ := ⃗v - 3⃗v  )
|  (  |-|)     2(   2 )   1   3(     3  )  1|
|     -1-           0              0       |
||  ||   2 ||      ||   0 ||       ||    0   ||   ||
(  (   3 )      (   0 )       (  i - 9 )   )
4           - 2            - 8

(                                  )
⃗v1      ⃗v′2′:=  ⃗v′3    ⃗v′′3 :=  ⃗v′2
|  (  1 )   (    0   )   (   0  )  |
||  |    |   |        |   |      |  ||
|  |  2 |   |    0   |   |   0  |  |
(  (  3 )   (  i - 9 )   (   0  )  )
4         - 8         - 2

Cette dernière famille de vecteurs de ℂ4   est échelonnée et libre (car elle ne contient pas de vecteur nul). Ainsi (⃗v1,⃗v2,⃗v3)  est une famille libre de  4
ℂ   .

 

Un exemple où la famille est liée par deux relations linéaires indépendantes

On considère les quatre vecteurs suivants de  4
ℝ     :

      (  1 )         (  2 )        (  2 )           (  - 1 )
|    |         |    |        |    |           |      |
⃗v1 :=  |  2 | , ⃗v2 :=  |  1 | , ⃗v3 := | 3 |   et ⃗v4 := |   0  | .
(  3 )         (  2 )        (  5 )           (  - 1 )
4              3             7                - 2

On souhaite savoir si la famille (⃗v1,⃗v2,⃗v3,⃗v4)  de  4
ℝ   est libre ou liée et, si elle est liée, d ´t  erminer les relations linéaires existant entre les quatre vecteurs.

Les familles de vecteurs suivantes sont libres ou liées simultanément  :

(                                        )
(  ⃗v1)   (  ⃗v2)    ( ⃗v3 )   (   ⃗v4 )
||     1        1         2        - 1    ||
|  |  2 |   |  1 |    |  3 |   |   0  |  |
|(  |(    |)   |(    |)    |(    |)   |(      |)  |)
3        2         5        - 1
4        3         7        - 2

(              ′             ′               ′           )
(  |⃗v1|)   ⃗v2(:= ⃗v2 -) ⃗v1 ⃗v3(:=  ⃗v3 -) 2⃗v1 ⃗v4 :(= ⃗v4)+ ⃗v1
||     -1-|         0              0              0       ||
|  |   2  |     |  - 1 |      |  - 1 |        |  2 |     |
|(  |(   3  |)     |(  - 1 |)      |(  - 1 |)        |(  2 |)     |)
4           - 1           - 1             2

(                ′              ′   ′          ′     ′ )
(  ⃗v1)   (   ⃗v2 )    ⃗v”3 :(= ⃗v 3) - ⃗v2 ⃗v”4 :(= ⃗v4 +) 2⃗v2
||     1        |0-|           0               0        ||
||  ||  2 ||   ||  --1-||       ||  0 ||          ||  0 ||      || .
(  (  3 )   (  - 1 )       (  0 )          (  0 )      )
4        - 1            0               0

Cette dernière famille de vecteurs de ℝ4   est échelonnée et liée (car elle contient des vecteurs nuls). Ainsi (⃗v1,⃗v2,⃗v3,⃗v4)  est une famille liée de ℝ4   . De plus, on a  :

⃗0 = ⃗v”3 = ⃗v3′- ⃗v′2 = (⃗v3 - 2⃗v1) - (⃗v2 - ⃗v1) = ⃗v3 - ⃗v2 - ⃗v1

et

⃗0 = ⃗v”4 = ⃗v′4 + 2⃗v′2 = (⃗v4 + ⃗v1) + 2(⃗v2 - ⃗v1) = ⃗v4 - 2⃗v2 - ⃗v1.

Ainsi, on a les relations linéaires suivantes  :

⃗v3 - ⃗v2 - ⃗v1 = ⃗0

et

⃗v4 - 2⃗v2 - ⃗v1 = ⃗0.

De plus, les relations linéaires liant ⃗v1   , ⃗v2   , ⃗v3   et ⃗v4   sont les relations s’écrivant comme une combinaison lináire de ces deux relations, c’est-à-dire que ce sont les relations de la forme  :

                                   ⃗
a(⃗v3 - ⃗v2 - ⃗v1) + b(⃗v4 - 2⃗v2 - ⃗v1) = 0,

avec a,b ∈ ℝ  . Autrement dit, les relations linéaires liant ⃗v1   , ⃗v2   , ⃗v3   et ⃗v4   sont les relations de la forme  :

b⃗v4 + a⃗v3 + (- a - 2b)⃗v2 + (- a - b)⃗v1 = ⃗0,

avec a  et b  deux réels quelconques.

Remarque  : si on souhaite simplement prouver que le système de vecteurs est lié, il n’est pas nécessaire de déterminer ,toutes les relations linéaires existant entre les vecteurs du système  : il suffit de trouver une relation linéaire non nulle ; par exemple, ici, il suffisait de remarquer que ⃗v3 = ⃗v1 + ⃗v2   ce qui nous donne directement  : ⃗v3 - ⃗v2 - ⃗v1 = ⃗0  et nous assure que le système (⃗v1,⃗v2,⃗v3,⃗v4)  est lié.